Le Marathon des Sables sans Patrick Bauer, que faut-il en penser ?

Préambule

Tous les propos n’engagent que son auteur, il conviendra de vérifier auprès de l’organisation les changements effectifs en 2025. Document non utilisable à des fins commerciales sans accord du rédacteur.

De l’ère de la Légende à l’ère commerciale

Nous nous y préparions tous, nous savions qu’un jour Patrick BAUER devrait prendre un repos mérité. La Légende, la seule, qu’il représente devrait trouver un successeur. Cyril GAUTHIER a pris la suite (CYGA SPORT depuis le 07/08/2023).

Marathon des Sables, le renouveau ?

Nous avons testé pour vous

C’est avec inquiétude que nous attendions de constater les changements apportés par ce changement de leader. Après avoir longtemps hésité, en considérant que c’était un peu une trahison de la Légende, j’ai décidé de tester la nouvelle formule, l’appel du Marathon des Sables Legendary a été plus fort. La Légende serait sans doute triste que son « enfant » ne grandisse plus, mais tout en gardant son âme.

L’empreinte carbone, vraiment ?

Le changement climatique impose de réfléchir à réduire l’empreinte carbone. Bien souvent, cette réduction est souvent synonyme de « rationalisation de charges ». On augmente le tarif, on en donne moins. Il faut néanmoins rappeler qu’un humain qui n’existe pas est le meilleur moyen de réduire l’empreinte carbone, idem, une épreuve qui n’existe pas réduit à néant son empreinte … plaisanterie personnelle.

L’inclusion

La traduction en langage des signes a été maintenue. Les femmes ont désormais leurs toilettes « réservés ». Si on approuve les cabines de toilettes femme, on peut se demander pourquoi les hommes n’auraient pas besoin d’intimité ? Égalité ?
Beaucoup d’éditions ont permis par le passé de voir des héros sur et autour des joelettes, il est annoncé des participants en fauteuil en 2024 (HDMS).

Sur le Marathon des Sables, il a toujours fallu accepter le peu d'intimité

Les transports

Il ne subsiste que 3 vols affrétés pour Ouarzazate. Deux depuis Paris, un depuis Londres. En 2025, ces vols n’existeront plus, il faudra prendre son transport par soi-même sur une ligne régulière. Ce changement aura un impact sur le temps de transport (3h30 en plus entre Marrakech et Ouarzazate puis 6h00 jusque le « sud » Marocain). Auparavant les vols affrétés sur Errachidia permettaient de n’avoir que 2h00 de route en car après le vol. Au-delà de l’aspect écologique, le MDS commençait à l’aéroport, les rencontres, les retrouvailles commençaient à Orly puis à CDG le veille du départ et les supporters nous attendaient en masse au retour pour célébrer ses héros. Un peu d’humanité, de cohésion s’envole avec ces suppressions. Nous pouvons imaginer que l’organisation mettra en place un forfait 2 ou 3 jours dans un hôtel à Marrakech pour compenser ce déficit de création de lien ?

Les lunchs packets sont similaires à ceux des anciens MDS, on regrettera l’absence de cuillère en bois ou de serviette. La collecte des « restes » pour les locaux est une bonne idée.  A voir si la gestion des déchets ne peut pas être améliorée concernant la collecte des lunchs packets.

A noter, une belle amélioration cette année 2024, à l’aller le car s’est arrêté dans une station essence, au retour dans un hôtel de luxe avec un bon petit déjeuner. Top, une superbe vue, des toilettes. Auparavant, nous nous arrêtions en pleine nature, des rangées de messieurs urinaient en rang, les dames se cachaient de l’autre côté de la route pour un peu d’intimité.

Les contrôles

On était censé être venu nous chercher à la tente, finalement, on y est allé faute de nouvelle dans un moment creux. Au total 15-20mn pas plus pour la remise du sac, le contrôle du sac et le passage devant les médecins. En grande amélioration au niveau timing, au niveau médical, contrôle léger.

Les briefs

Les briefs des jours d’avant-course

C’est un passage obligé, un peu longs, beaucoup de redites par rapport au roadbook mais mieux vaut réexpliquer deux fois. On ne retrouve pas la présentation des toilettes (dommage, c’était utile et rigolo), on n’explique pas la gestion des déchets : que mettre dans le recyclable ? selon les pays, les régions, ce n’est pas pareil.

Les briefs du matin

Le classement des élites a disparu. Pour les non-élites, c’est plutôt une bonne chose à mon avis, moins de pression ressentie. Un seul anniversaire a été fêté le matin durant ce MDS … dommage, c’est sympa et humain.
Cyril GAUTHIER fait en général de la visualisation / persuasion positive chaque matin, on aime ou pas. J’ai trouvé cela plutôt pas mal … Le timing est tenu ce qui est agréable (on arrive 30mn avant et on part à l’heure, plus de problème de décollage de l’hélico, il n’y en a plus).

3 reproches ont été faits le matin, 1 excuse.

• L’excuse sur la promesse de protection féminine disponible à chaque CP non tenue une journée, un petit couac mais une avancée quand même.
• Les 3 reproches : on consomme trop de « sac à caca » (symptôme de gastro sur le camp ? mauvaise appréciation de l’utilisation des sacs par l’organisation ? La pénurie a entraîné des comportements de stockage. Aucun matin à h-2 du départ, nous n’avons trouvé de sac à disposition dans les paniers prévus à cet effet), on consomme trop de matériel médical, on a pris plus d’un coca par personne.
• Un reproche supplémentaire sera fait dans les tentes : les tentes auraient été mal nettoyées. Dans la nôtre, c’est vrai, il y avait beaucoup de sable. Au fur et à mesure de l’avancée de l’aventure, les sacs poubelles se voyaient restreints (1 pour 3 tentes environ à la fin, 2 par tente au départ (recyclable et tout venant).

Le sentiment donné est l’attribution d’une faute d’organisation de manière exogène. On ne consomme pas de « sac à caca » pour le plaisir, on ne boit pas l’antiseptique. Pour le coca, personne n’a dit clairement que c’est un seul coca … un moyen simple du passé est de donner un coup de marqueur sur le dossard.

Sylvain sur le Marathon des Sables 2024

Les départs

Ils sont programmés beaucoup plus tôt, ce qui permet d’éviter la chaleur pour la plupart des concurrents et réduit le nombre d’abandons. Un client qui réussit, est un client heureux. Pour les puristes du Sahara, courir sans chaleur … c’est toujours le jeu ? Nota, la préparation se fait à la frontale, pour un départ à 6h30, cela donne un lever à 4h30 … la nuit est courte et la préparation moins aisée sans lumière.

Les CP / Water Stations

On nous verse depuis des cruches le contenu des bouteilles de 5 litres, nous ne sommes pas limités en eau comme avant, on peut boire puis remplir à fond les bidons. C’est le gros plus de cette édition, il y a moins de risque d’être à court d’eau. Curieusement, la pénalité d’assistance hydrique existe encore. Nous n’avons pas pu voir si ce système était efficient pour les élites qui ont moins le temps que nous.
A noter, des tabourets sur les CP et moins de distance entre les CP ce qui est très confortable (sauf la longue qui était en mode « avant » avec des CP tous les 10/12 kms max).
L’apparition des Water stations qui sont des CP light, uniquement pour le refueling en eau. Bonne idée.
De l’eau glacée est disponible en petite quantité (15cl environ) pour arroser le cou et refroidir le corps. On attend les Bier Stations en 2025 (blague).

Le bivouac

La tente 114 de 2019

La communication

La communication externe est semble-t-il gérée par le MDS, toujours sous des prétextes « carbone ». Cela permet de cadenasser la communication, ce qui peut être utile en cas de crise pour éviter d’ébruiter des dysfonctionnements. Cela fait un peu penser à certains pays qui vivent en autarcie. Pour être dans les photos organisation ou les vidéos organisation, il conviendra d’avoir une WAAtitude. Les Raidlightitudes sont évitées. Ainsi dans le roadbook, un dossard correctement porté est sur un sac WAA, tandis que le dossard mal porté est sur un Raidlight (coïncidence).

Disparition des mails papier sous la tente, qui étaient le plein d’amour reçu lors du MDS : le carbone n’exclut pas l’humanité. Cela m’a contraint à prendre mon portable. Déconnexion ne veut pas dire « disparition pendant une semaine ». L’envoi de mails est remplacé par des « émotion boxes » qui permettent d’envoyer un message d’une minute à une liste prédéfinie d’adresses mail … pourquoi pas, mais l’envoi seul de nouvelles est égocentrique comme notre monde actuel, est très décevant.

Les tentes

Le bivouac en 2019

Elles sont disposées en cercles concentriques plus proches qu’avant. Toujours 8 par tente. On espère que le concept de tente individuelle ne va pas faire son apparition. Apparition de tentes 100% femme … cela laisse songeur … le mâle doit être fondamentalement mauvais pour l’exclure de la sorte. On pourrait aussi faire des tentes pour les gros ou les petits ou les petits-gros.

Les animations

Déjà vu sur le MDS, mais un sympathique « cercle des légendes » animé de main de maître par l’impressionnant Will (Guillaume pour les anciens) a été mis en place. Des anciens, des élites, des bénévoles ou personne de santé racontent leurs expériences passées au MDS. Ensuite une séance de relaxation était organisée. Dans le passé, nous avions eu un concert magique de l’opéra de Paris devant Merzouga …

Sylvain animant sa tente

Course en boucle, 3 CP

Pour diminuer le nombre de camions, le bivouac reste 2 jours sur chacun des lieux visités avec une course en boucle et une autre pour avancer. Je ne suis pas fan de la course en boucle, cela ne donne pas l’impression d’avancer et les paysages évoluent moins. L’étape « cœur » était belle sur le GPS, mais triste à courir.
Il paraît que des concurrents auraient caché de la nourriture pour leur retour le soir … on peut aussi penser à cacher des choses de manière plus intelligente quand on revient au même endroit ...
Signalons aussi un gros souci de balisage de nuit, on ne savait plus où aller à partir de l’avant dernier CP. Quand on quitte une balise on devrait voir la suivante … ce n’était pas le cas. L’organisation a réagi dès que je leur ai signalé et a re-balisé certaines portions. J’avoue que si le concurrent me précédant n’avait pas eu de lampe clignotante dans son dos, j’aurais eu beaucoup de mal à trouver mon chemin, toutes les balises roses du jour n’étant pas rétro-luminescentes.

Les bénévoles

L’ancienne équipe a été modifiée à presque 100%. 90 postes de bénévoles ont été supprimés (125 => 35), 80 marocains ont été embauchés pour l’occasion (c’est bien, mais ils étaient où ?). On regrette la présence passée, les équipes bivouac étaient bien plus présentes. Les règles ne sont pas expliquées et changent du jour au lendemain.

L’équipe médicale

La clinique en 2014

Les DOC TROTTER ont cédé la place à une nouvelle équipe. Je n’ai pas été impressionné. Ma seule demande ayant été de demander un dafalgan car au bout de 64km j’avais mal aux jambes, après 3 gilets orange (santé) le médecin diagnostique une crampe et me donne un quart de rondelle de citron, c’est tout. Je n’ai jamais eu de crampe sur un ultra.

Une personne (>65 ans) de la tente se plaindra de douleurs thoraciques après un coup de chaud et un passage d’une heure dans un sac mortuaire avec des glaçons, la médecin a pris ses constantes sans ECG et nous dira qu’il ne faut pas la déranger pour ça, elle a 3 urgences plus graves (en anglais dans le texte).

• Certains jours l’équipe de podologues, ayant vu trop de pieds, a demandé de revenir le lendemain.
• Les MEDIC PATROL font leur apparition comme sur les HDMS. Des coureurs médecins au nombre de 10 sont identifiés avec un dossard rouge pour agir au plus vite. Je n’ai pas vu d’intervention.
• La NOK est prohibée. Mes pieds sont nickels, j’en mets depuis 14 ans.
• Les SELS sont mauvais désormais (« 1984 »), ils sont remplacés par des Kubor.
• Les hyperthermies / déshydratation sont soignées par des bains d’eau glacée. Plus de perfusion.

La course

Pas grand-chose à signaler, juste de regret sur la longue de ne pas pouvoir différencier sur le dossard, les élites, des autres. Cela permet d’encourager les top runners. Moins d’élites que par le passé par cette première édition post reprise.

Nouvelle cible commerciale

Seuls les briefs sont en français de base, aux ravitaillements la langue de base est l’anglais. Il se murmure que les anglais pourraient voir leur prix d’inscription baisser (historiquement, les anglais payaient beaucoup plus cher). L’accent est mis sur les anglais comme le clin d’œil à la remise des prix avec la médaille décapsuleur (« pour eux »). Les anglais interrogés étaient emballés par la nouvelle organisation.

En résumé

Les moins

• La disparition des mails papier dans les tentes (très mauvaise idée).
• La disparition des repas d’avant course
• La fin prochaine des vols affrétés
• Les pénuries de « sac à caca »
• Les courses en boucle
• Le prix en hausse
• L’équipe médicale
• Le balisage de nuit

Les plus

• La sécurité accrue grâce à l’eau moins contingentée
• Les départs à l’aube et surtout le dernier jour et sur la longue
• L’eau glacée sur les CP dans la nuque
• Les stops des bus à l’aller mais surtout au retour, un plaisir.
• Le respect des timings (briefings, remise des prix)
• Les contrôles plus rapides.

Finishers 2024, 1ère édition de l'ère Post Bauer

En conclusion

Le MDS reste une course unique et on espère qu’elle gardera son âme. L’envie de revenir est forte.
Il faudrait un peu plus d’empathie et d’humanité. On verra comment réagit l’organisation lors d’un MDS moins favorable. En tout cas, Sylvain sera très certainement sur la 39ème édition !

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