Le test des Scott Ultra Explore, le carbone à tout prix ?

Le carbone au service de l’ultra

La marque suisse créée par Ed Scott aux USA en 1958 n’est pas forcément la firme à laquelle on pense de suite quand on parle trail running. Et pourtant, Scott a déjà fait ses preuves et possède en son sein des athlètes reconnus comme Anne Lise Rousset (détentrice du record de GR20) ou l’orienteur Fred Tranchant pour ne citer qu’eux.

Fort de son expérience dans les sports outdoor (Scott évolue aussi dans le cyclisme ou le ski par exemple) la marque nous propose aujourd’hui une chaussure taillée pour l’ultra et qui embarque la technologie Carbitex, c’est à dire la fameuse semelle carbone qui anime de nombreux débats depuis maintenant quelques années.

Très curieux depuis l’arrivée de ce procédé sur les sentiers (effectivement j’ai pu vérifier par moi même avec le test de la Nike Zoom Fly que l’avantage sur le bitume est indéniable, mais j’ai toujours eu plus de doutes en ce qui concerne la course en sentiers du fait de terrains non homogènes et parfois accidentés où il n’est pas évident de dérouler la foulée) c’est avec beaucoup d’envie que j’ai voulu voir ce que cela pouvait donner lors d’un test grandeur nature.

Les caractéristiques de la Scott Ultra Explore

Tout d’abord rappelons les bienfaits d’une semelle carbone. Sur la route, cette technologie qui consiste à insérer une plaque dans la semelle des chaussures permet d’améliorer le rebond et donc une meilleure propulsion, ainsi que de limiter la fatigue avec un meilleur retour d’énergie. C’est en partie la raison (bon il faut aussi des athlètes entraînés et performants car l’habit ne fait pas le moine non plus, enfin pas complètement) qui fait qu’on a vu les chronos s’abaisser de façon impressionnante depuis plusieurs années.

Concernant cette Ultra Explore on est pas sur une plaque 100% carbone puisque la technologie Carbitex propose une composition hybride mêlant 50% de lin, 50% de carbone UD ainsi qu’une résine d’origine d’origine biologique.
Car c’est là aussi l’une des autres caractéristiques marquantes de cette chaussure, elle se veut innovante tout en étant la plus responsable possible avec beaucoup d’éléments réalisés dans des matériaux recyclés (lacets, tige, semelles intermédiaires, extérieures et intérieures).

D’un poids annoncé de 330 grammes (315 grammes sur ma balance en 42.5) on est pas sur un modèle qui semble très léger aux premiers abords, si l’on compare à une Salomon Genesis (269 grammes ET qui n’est pas une chaussure carbone) ou une Hoka Tecton X2 qui possède également une plage carbone et qui est annoncé à 240 grammes.

Concernant la tige, cet Ultra Explore se dote d’un mesh très aéré et très souple mais doublé et supplanté d’empiècements de protection et d’un pare pierre en TPU.

Côté semelle intermédiaire, à l’image de la plupart des modèles carbone que l’on trouve sur la route, on est sur une hauteur plutôt imposante avec un stack d’environ 4 cm composé d’une mousse Kinetic Foam double intensité et intégrant un drop moyen de 5 mm.

En dessous on on trouve une semelle extérieure sans collaboration avec une autre marque (pas de Vibram par exemple) et intégrant des crampons de 3 mm mesurés . À première vues ces derniers ne semblent pas avoir été conçu pour une accroche maximale (comme c’est les cas pourtant pour les Scott Ultra RC reconnues notamment pour leur accroche dans les terrains boueux) mais plutôt pour optimiser le rebond lorsqu’il faudra courir vite sur les sentiers et déployer vos plus belles foulées !

À noter également que la marque annonce l’intégration d’un nouveau rocker à l’avant sans doute pour accentuer l’effet de propulsion et maximiser les avantages d’avoir une plaque carbone sous vos pieds ! À voir lorsqu’on ira gambader sur les sentiers !

Gueules de running

Côté design, même si on retrouve certaines lignes de la marque que je qualifierai affectueusement de « géométrique », j’ai trouvé l’aspect visuel de la chaussure surprenant pour un modèle trail. Au premier regard, je trouve qu’elle ressemble énormément à ce qui se fait dans le running, plus qu’à ce qui se fait dans le trail. Elle a une apparence plus dynamique et renvoie moins une image de rigidité. Ça n’est qu’un détail vous me direz. J’avais aussi cette impression devant certains nouveaux modèles Terrex (les adidas Terrex Agravic Speed Ultra en particulier). Peut-être une tendance à venir pour se rapprocher au maximum du dynamisme des chaussures des routards ? À suivre.

Le mesh présente un pattern d’aérations travaillées autour d’une languette supérieure très fine et présentant 2 élastiques latéraux pour un maintien de qualité. Le système de laçage est lui hybride en présentant passants et œillets.

Pour ce qui est de l’intérieur, on est, comme sur beaucoup de modèles de nos jours, sur une semelle Ortholite pour apporter le plus de confort possible à nos petits pieds qui souffrent pendant de longues heures sur les sentiers d’un ultra trail. À noter un renfort arrière pour garantir un peu plus de stabilité

Côté coloris, que ce soit pour les hommes ou les femmes, c’est un gris clair plutôt sobre et élégant qui a été choisi, amplifiant également la ressemblance avec les modèles route. Je suis toujours surpris de ces choix de couleurs pour des modèles trail ou encore plus ultra où l’on va passer dans divers types de parcours dont certains très salissants !

Le test terrain des Scott Ultra Explore

Avant de mettre cet Scott Ultra Explore à l’épreuve du terrain, comme à mon habitude je l’ai porté une journée en mode “lifestyle” comme on dit aujourd’hui. L’enfilage est assez aisé même s' il n’y a pas de petites languettes d’aide à l’arrière. La première sensation est agréable. Le chaussant est plutôt fitté et étroit et le sizing normal (une première depuis les derniers modèles que j’avais pu tester ces derniers mois et qui avaient tendance je trouve à avoir augmenté leur taillant)

On se sent plutôt léger du fait du mesh extensible et la languette supérieure très fine, à l’image d’une chaussure de running une fois de plus. Rigidité, en tous cas pour ce qui concerne la tige, n’est pas le maître mot ici ! Pour ce qui se passe sous nos orteils, c’est une autre histoire. La première sensation est plutôt de se trouver sur une semelle rigide. Sans doute du fait de la plaque carbone et une fois de plus à l’image de pas mal de modèles que l’on trouve sur la route.

À première vue, si je trouve ça intéressant pour aller vite (en tous cas essayer) et dérouler la foulée sur les sentiers, mes premières interrogations se situent quand même au niveau de l’utilisation pour des épreuves d’ultra trail (ce pour quoi la chaussure a été conçue à l’origine). En effet, je me demande si cette rigidité pourra être supportable pour la majorité des coureurs. Après, cette chaussure n’est pas non plus pour monsieur tout le monde, car nous n’avons pas encore parlé du prix, mais c’est clairement un modèle haut de gamme avec un prix de 249€. Cela pourrait donc coller à l’exigence de la chaussure ressentie lors de cet essai statique. On peut avoir un premier à priori visant à dire que ce modèle s’adresse plutôt à des coureurs confirmés en quête de performance.

Une fois debout et arborant mes premiers pas, j’ai cette sensation de hauteur apporté par la hauteur de la semelle et cet impression de propulsion propre à pas mal de chaussures carbone et accentué par le rocker bien courbé. Il est bon de préciser que même si cette chaussure est annoncée avoir été conçue pour l’ultra trail, je n’ai pu la tester que sur des sorties allant de 10 à 30 km. C’est donc sans doute un peu court pour apprécier certaines caractéristiques, et notamment la réduction de la fatigue musculaire qui est normalement un des avantages d’une plaque carbone.

Les premiers kilomètres sur le bitume avant de débouler dans les sentiers se passent plutôt bien. Je sens une chaussure dynamique et plutôt nerveuse qui répond bien du fait de cette semelle plutôt rigide qui renvoie bien l’énergie. Je ne suis pas trop étonné, car mon essai en statique me laissait plutôt penser que sur des revêtement durs ou/et sec le rebond serait bon. Normal pour une semelle carbone me direz-vous.

Arrivée dans les chemins, la Scott Ultra Explore se montre précise. Le pied est bien calé et stable, et le fit plutôt étroit de la chaussure permet une pose de pied nette et non aléatoire. On se sent assez sûr de soi, même dans les passages un peu plus accidentés.

Par contre c’est aussi là où j’ai perdu la sensation de l’apport de la semelle carbone. En effet, dès que le terrain devient moins régulier ou accidenté (passage de plage ou de galets) on n'a plus l’effet de rebond, et la chaussure se comporte plus ou moins comme toutes ses consœurs. À la différence prêt qu’on a moins de moelleux sous les pieds. Cela me conforte dans mon idée, que même si on est sur un usage annoncé pour de l’ultra, ce modèle s'adapte vraiment aux coureurs rapides, pouvant galoper “tout terrain”. Pour les “randonneurs rapides” je suis plus sceptique.

Pour ce qui est de l’accroche, pas de points particuliers. La semelle se comporte bien et est passée partout sans encombres particulière. À voir quand même sur des terrains humides qui n’ont pas pu être testés ici.

Dès que les sentiers (le GR34) sont roulants sans être trop techniques, cette Scott Ultra devient très appréciable et donne envie d’appuyer le rythme et de jouer avec les éléments que l’on rencontre. La propulsion est bonne et le dynamisme plutôt convaincant.

Verdict

Il me tardait d’essayer un modèle carbone pour le trail. Après le test de cette Scott Ultra Explore, je reste toujours sceptique sur l’apport de cette technologie dans la discipline. Non pas du fait de cette chaussure, mais plutôt de l’intérêt global au vu de la diversité des terrains que l’on rencontre (je n’ai pas pu tester de longues montées par exemple, n’en ayant pas chez moi, mais je doute d’une quelconque utilité sur une ascension d’une heure, par contre peut-être qu’en descente cela réduit la fatigue musculaire). Mais c’est un autre débat !

Pour conclure plus précisément à propos de cette chaussure haut de gamme de chez Scott, j’ai apprécié son dynamisme et sa stabilité. J’ai trouvé qu’on avait tous les ingrédients d’une chaussure racée permettant de courir, et de courir donc longtemps. Alors, vous me direz “mais c’est une chaussure dite pour l’ultra trail”. Effectivement, mais n’oubliant pas qu’en ultra aussi il faut courir, et que certaines courses le demandent même plus que d’autres (effectivement d’un côté on a l’Échappée Belle et de l’autre l’Ultra Marin !). Et là ces chaussures seront parfaites pour cet usage. Je suis plus mitigé sur un usage très montagneux où plus de confort sous les pieds sera sans doute apprécié. À noter également qu’à mon sens cette chaussure sera parfaitement adaptée pour des maratrails ou des formats longs de 70/80 km.

Cependant à 249€ c’est un modèle qui n’est pas à portée de toutes les bourses. La technologie a évidemment un prix, mais pour la majorité de coureurs ce prix sera sans doute rédhibitoire et ne poussera pas à vouloir tester le carbone pour trail ou ultra !