Courir sous le soleil de minuit
Je n'avais pas prévu de courir cette course en Laponie, j'avais une course exigeante de calée en Norvège à peine 15j plus tôt. Pourtant, une telle invitation ne se refuse pas. J'ai vécu près de deux années en Finlande et l'évocation de son nom me ramène à quelques souvenirs nostalgiques. Le soleil qui ne se couche pas, les soirées au sauna à boire une Lapin Kulta, le tempérament taiseux des Finlandais, et les Finlandaises.
📷 Nuts Yllas Pallas | Courir sous le soleil de minuit
La course traverse le parc national de Pallas-Yllästunturi dans le nord-ouest de la Finlande, en Laponie non loin de la frontière suédoise, et emprunte le sentier principal du parc. On est encore en Finlande bien sûr mais ici c'est plutôt la culture Same qui prévaut, la culture du Renne. Les chanceux en auront aperçu pendant la course.
Des bébééés rennes!
Un coureur sur le format court, le 37km
Sur le 160km et le 55km (que j'ai couru) les coureurs prennent le départ de la petite ville de Enontekio, puis après une dizaine de kilomètres entrent dans la forêt pour ne plus la quitter jusqu'à l'arrivée à Yllas. Il y a 4 formats sur la Nuts Yllas Pallas : 37km, 55km, 105km et 160km. Le 160 km fait partie des courses "Discovery" de l'Ultra Trail World Tour.
La trace Strava du Nuts Yllas Pallas 55km
Le dénivelé est relativement faible au regard de ce que nous connaissons dans les Alpes. La Laponie est plate, même si la région entre Ylläs et Pallas est connue pour ces "Tunturis", des Fells culminant à ~800m d'altitude. Ainsi ci-dessus, ma trace GPS sur le 55km indique 1828m de positif ce qui en fait une course à l'ondulation similaire aux 60 premiers kilomètres d'une Saintélyon.
Le parcours et le dénivelé du Nuts Yllas Pallas
L'arrivée des 4 courses se situe à Ylläs une des stations de ski de la région. C'est ici que les coureurs sont tous installés et hébergés le temps d'un weekend. Autre point pour les personnes qui pourraient être freinées par l'isolement de la région: l'endroit est bien desservi depuis Helsinki jusqu'à l'aéroport de Kittilà à seulement une quarantaine de kilomètres. Un bus de l'organisation amène les coureurs au départ, dans la ville de Enontekiö.
Au briefing l'organisateur nous donne les quelques conseils habituels propres au parcours, mais un original et local "Pensez à bien utiliser l'anti-moustique au départ, et à en remettre en milieu de course" nous rappelle que nous sommes en Laponie. J'avais effectivement oublié qu'ils sont très agressifs en ces latitudes, et lorsque TOUS les finlandais s'aspergent à quelques minutes du départ je n'hésite pas un instant.
Le départ est donné depuis la cours de l'école, puis une route étire le peloton sur quelques kilomètres avant d'entrer sur un sentier que nous ne quitterons pas tout le long. Il n'y a pas d'autres sections bitumées sur tout le parcours. D'ailleurs le 105km se court lui totalement sur sentier.
Je prends un départ assez rapide pour rester avec Patrick (fr) et Christian (de) puis je me ravise en pensant au Xreid que j'ai couru il y a seulement 2 semaines en Norvège, je n'ai pas totalement récupéré. Le parcours oscille sur un terrain typiquement nordique de boulots nains et de marais tourbeux, et de grosses collines couvertes de pierres offrant un paysage dégagé sur la toundra environnante. Les sentiers ne sont pas techniques, à part quelques sections où il faut faire attention aux racines.
On peut courir en de nombreux endroits sur le Nuts Yllas Pallas, même si les blocs de pierres peuvent freiner les coureurs moins à l'aise de leurs pieds. En tout cas sur les 55km, car les 105km et 160km sont sans doute plus éprouvants. J'estime aussi avoir eu de la chance car le terrain était sec, mais j'imagine que les conditions sont en général un peu plus humides: le terrain est composé de tourbe dès qu'on redescend des collines et les passerelles en bois par endroit ne suffisent sans doute pas en temps normal à protéger de l'humidité inhérente à la région.
La particularité de cette course, je n'en ai pas encore parlé, c'est le soleil de minuit. Vous le savez, dans le grand nord en été le soleil ne se couche pas. Je ne vais pas vous faire un cours d'astronomie, mais du fait de l'inclinaison de la Terre sur son orbite autour du Soleil les régions polaires sont totalement éclairées en été: c'est le soleil de minuit. Pendant 1 mois entre mi juin et mi juillet à la latitude de Ylläs et Pallas le soleil ne couche pas. Qui plus est, il est rasant et offre une lumière très belle, ce qu'on appelle la Golden Hour chez les photographes, comme vous le constatez ci-dessous. Il faut bien entendu être un peu chanceux, car il arrive aussi que le ciel soit couvert dans la région...
Golden Hours qui dure longtemps!
Ne venez pas ici pour la perf pure, sauf si vous pensez pouvoir gagner. Au contraire, profitez de la beauté des lieux, n'hésitez pas à vous arrêter régulièrement, on ne vient pas en Laponie tous les weekends...
Je recommande vraiment de venir sur cette course. Je suis effectivement peu objectif car j'ai, comme je le disais au début de l'article, un affect particulier pour la Finlande. Mais même. On a ici une course au profil atypique, différent des habituels ultra en montagne, un terrain qui privilégie plutôt les "coureurs" même si les racines et les cailloux seront exigeants sur le 160km. Surtout, la lumière rasante du grand nord en été, le soleil de minuit si vous ne l'avez pas déjà expérimenté, ajoute beaucoup à l'originalité de l'épreuve. Il n'y a pas de nuit, pas de repère temporel, on est hors du temps.
Je vous suggère aussi de regarder ma vidéo du Nuts Yllas Pallas.