100km dans le désert de Tunisie
Au sud de la Tunisie, dans la région de Tozeur, se trouve le plus grand lac salé du Sahara: Le Chott el Jerid. Avec 100km de long et 5000km2 de surface c'est presque une mer intérieure lorsque les pluies orageuses y courent depuis les hauteurs du nord. Les autres jours, c'est très sec et très plat... et sans doute un exceptionnel terrain de jeu comme un lieu propice aux mirages. C'est ici qu'une petite équipe décidait début 2017 d'organiser un 100km.
📷 Ultra Mirage, Première édition | 100km dans le désert de Tunisie
Je suis déjà allé courir en Tunisie. C'était en 2015, sur les Foulées du Mégara, un semi marathon à La Marsa au nord de Tunis. J'en avais gardé un très bon souvenir, celui d'une excellente ambiance et d'une fête populaire quelques jours seulement après l'attentat au musée du Bardo qui avait secoué le pays. Je répondais ainsi très positivement lorsqu'au printemps on me proposait de venir participer à ce premier Ultra national de 100km.
Courir l'Ultra Mirage, c'est comme ça!
En octobre je termine une saison de course assez chargée. Assez est un euphémisme, 2017 m'a vu participer à la TransGranCanaria, l'UltraFiord en Patagonie Chilienne, le BlueTrail à Tenerife, le Lavaredo Ultra Trail dans les Dolomites, les 4 étapes de l'UT4M Challenge autour de Grenoble, l'OCC la petite soeur de l'UTMB et l'UltraPirineu. Sans compter les nombreuses petites courses intermédiaires qui comptaient pour mon entrainement. OK. La dernière course (l'UltraPirineu) me laissait sur les bras une tendinite du TFL, légère mais suffisante pour éventuellement me poser beaucoup de problèmes sur cette course de 100km qui s'annonçait très roulante. J'envisageais peut-être de ne pas aller au bout, voire même de ne pas courir et d'y aller me contenter d'un reportage.
Voici le parcours de cette première édition de l'UltraMirage, bien sûr très plat. Notez la boucle réalisée deux fois.
J'allais aussi courir cette course avec Sylvain Bazin. Grande référence du milieu de la course à pied et de l'ultra endurance mais aussi un ami, j'étais heureux de m'aligner avec lui sur cette événement. Nous courons souvent ensemble pour nous entrainer mais c'est la première course que nous faisons tous les deux. Nous arrivons à Tozeur et sommes accueillis comme des Princes par l'organisation. Il est 20h, le départ de la course a lieu le lendemain à 7h.
Pour faire un peu de tourisme le départ de la course a lieu du site où fût tourné cette scène du premier film de la Guerre des Etoiles, celle où on découvre le jeune Luke Skywalker sur la planète Tatooine (ce nom n'est pas dû tout un hasard, Tataouine la vraie n'est qu'à 200km). Le parcours initial de 100km en presque ligne droite a été modifié au dernier moment, un terrible orage ayant à la fois détruit une bonne partie du balisage et noyé le Chott plus à l'est. C'est en toute urgence que l'équipe réussi à monter une boucle de 50km de substitution que nous allons répéter deux fois.
le balisage, quelques marques à la craie, sur le sol, sur les rares cailloux ou sur de vieilles bouteilles en plastique recyclées pour l'occasion.
Nous partons dans l'ambiance générale à 10km/h sur les 10-15 premiers kilomètres jusqu'au premier des ravitos. Ils sont disposés au 15ème, 35ème, 50ème, 65ème, 85ème. Pour compenser la température, l'organisation alloue à chaque coureur 2l d'eau pour chaque 5km parcouru, ce qui est conséquent. Il fait chaud mais le vent bien présent sur tout le parcours rend l'ensemble acceptable. Pourtant je n'hésite pas à m'asperger copieusement dès qu'on me propose une bouteille. Avec Sylvain nous avions prévu de faire toute la course ensemble, moi affaibli par mon TFL fatigué et lui normalement plus performant mais en manque d'entrainement. Vers le 30-35ème nous réduisons l'allure, Sylvain commençant à soufrir de la chaleur au point que nous finirons par macher lentement entre les km 35 et 65. Il souffre d'une hyperthermie rédhibitoire qui le contraint à abandonner au 65ème km et me laisser seul sur le reste de l'épreuve.
Je termine la course sur un bon rythme et alors que je craignais que mon tendon accepte assez peu ce nouvel effort, la douleur disparait comme par miracle. Je ne sais pas si c'est courant, mais alors que la tendinite était présente sur les 20 premiers kilomètres, l'alternance de marche et de course lente entre le 25 et le 65 semble avoir eu un effet anesthésiant. Je prend aussi beaucoup de plaisir à courir de nuit dans ce désert, le rythme est là et naturel, je suis là pour avaler les kilomètres et ça fonctionne. Je reprends et dépasse les coureurs qui nous avaient doublés Sylvain et moi entre le 45 et le 65, j'avance bien. Tout est fluide et je ressens ce qui arrive parfois en Ultra, ce flux bien huilé où le corps et l'esprit coopèrent dans le même sens, ensemble et sans contrainte. Je cours sans m'arrêter et j'aime ça.
Je termine ainsi sur une très bonne sensation personnelle cette dernière grosse course de l'année. Merci à Sophie qui m'a accompagné sur les derniers kilomètres. Un grand bravo évidemment au jeune champion Mohamed el Morabity qui remporte la course haut la main, et à Imène Ben Salem qui s'impose chez les femmes!
Debrief de la course ci-dessous après les photos
Le camarade Sylvain.
Peu après le départ lorsque nous sommes encore un peu groupés. Un passage où le sol était encore un peu humide suite au violent orage du milieu de semaine.
Les nuages du désert, contraste saisissant de bleu et de sable.
Sylvain Bazin, vers le 25ème km.
Le sol salé du Chott!
Un large Oued, et quelques nuances de couleurs vers le 40ème km.
La région est parcemée de lacs assechés, en plus du Chott el-Djerid. Le sol est un mélange de sable et de sel, formant une croute qui peut ressembler à un crumble...
Sophie peu avant la mi-course. Nous étions un moment accompagnés par quelques dromadaires. Je la retrouverai au dernier ravito, au 85ème, pour terminer la course ensemble.
Les coureurs de Tunisie vers le 62ème km
Toujours vers le 62ème km en direction du CP2 qu'on visite une seconde fois. Boucle oblige.
Mounira avec qui j'ai discuté vers le 63ème.
Une cabane au pied d'une dune, je ne sais plus où. Sans doute après le 65ème.
Prashant, coureur d'Ultra Trail très expérimenté. Ici peu avant le coucher du soleil après le ravito du 65ème km.
Le soleil à quelques secondes de se coucher.
Le soleil vient juste de se coucher.
Debrief de l'Ultra Mirage
Voici une petite synthèse de ce premier Ultra Tunisien. Elle est influencée par mon peu d'expérience des courses dans le désert comme sur le plat, mais aussi à l'inverse par mon expérience certaine sur les UltraTrails en terrain montagneux.
- Les ravitos: peut-être le seul point faible de la course pour celui qui est habitué aux copieuses tables des courses françaises. Seule nourriture, des dattes. Et de l'eau en quantité. Rien d'autre. J'avais quelques pâtes de fruits et des babybels avec moi et mon estomac est très tolérant, mais quelques TUCs et du Coca auraient été bienvenus. Je l'ai indiqué à l'organisateur qui me l'a confirmé et devrait prévoir un peu plus de choix pour la prochaine édition;
- La chaleur: Quand on me dit "désert" j'entends chaleur. Heureusement pour nous il y avait du vent, parfois beaucoup, sur tout le parcours. J'ai personnellement assez bien géré la chose même si Sylvain et quelques autres coureurs Tunisien en ont souffert. Mon conseil, boire évidemment beaucoup et peut-être plus que d'habitude car le vent (qui souffle très souvent dans la région) accentue encore plus la désydratation. Penser au salé;
- Le parcours: Lorsqu'on a appris que le parcours avait été modifié à la suite du gros orage, on a évidemment été déçu. Finalement, c'est très subjectif et faire deux fois la même boucle n'est pas tant un problème. J'ai même aimé repasser, redécouvrir les paysages une seconde fois. Autre chose, les très longues lignes droites et la gestion de la monotonie sont un réel exercice sur soi, chose à laquelle je ne suis pas habitué dans les montagnes (ou différemment). J'ai aimé;
- L'organisation: Gros BIG UP! Particulièrement enthousiaste (première édition évidemment), désirant bien faire, et les bénévoles vraiment aux petits soins sur les ravitos. C'est une réussite et je crois à la lecture des commentaires de coureurs sur les réseaux sociaux que ce sentiment est largement partagé;
Conclusion en quelques mots: la première édition de cet Ultra Mirage est une réussite, il y avait beaucoup de plaisir partagé et de quoi vouloir y revenir en 2018. Le coût du dossard est de l'ordre de 150€, mais l'organisateur propose un package qui comprend la course, le vol intérieur entre Tunis et Tozeur ainsi que deux nuits en hôtel 4* (avant et après la course) pour ~350€. Il suffira alors pour ceux qui viennent de France d'y ajouter le vol vers Tunis.
Vidéo de l'Ultra Mirage
Je vous invite à visionner la vidéo de l'intérieur de la course. Vous pourrez y retrouver certains des protagonistes de cette première édition de l'Ultra Mirage, mentionnés ou nom dans cet article.